Une lettre d'

Edme Régnier

inventeur de génie, premier conservateur du musée de l'Artillerie

Lettre autographe

Régnier Edme
21 mai 1821
Encre, papier
19,5 x 12,5 cm (25 cm dépliée)

Archives de l’Antre-Cave
Inv.2021.514-42

À l’occasion de l’anniversaire du décès d’Edme Régnier, nous publions cette lettre autographe, rarissime témoignage de l’esprit créatif de ce talentueux mécanicien lié à l’Antre-Cave et premier conservateur du musée de l’Artillerie.

Commençons par évoquer brièvement le parcours de ce personnage méconnu.
Fils de serrurier, Edme Régnier est né à Semur-en-Auxois le 15 juin 1751. Intéressé très tôt par le dessin et les arts mécaniques, il entame une carrière d’arquebusier, dans laquelle il se distingue par son talent. On décèle déjà dans ces deux passions, les qualités qui feront de lui plus tard le premier conservateur du musée de l’Artillerie. Repéré très tôt par Gueneau de Montbelliard, il travaille dans l’entourage de Buffon, à la demande duquel il met au point son célèbre dynamomètre (appareil pour mesurer la force), avant de s’installer à Paris en 1778. Son esprit créatif lui permet d’innover dans plusieurs domaines de la mécanique. Il est crédité de nombreuses inventions parmi lesquelles le sécateur, la grande échelle des pompiers (1799) et même un fauteuil roulant dont il est question dans la lettre présentée ici. Il améliore également les cadenas à combinaison (1777) et les paratonnerres (1778).

C’est pendant la révolution que se manifeste son intérêt pour la préservation du patrimoine mécanique et militaire. Grâce à ses aptitudes, il intègre l’administration de la fabrication des armes puis la commission des armes et poudres en tant que mécanicien. Profitant des prérogatives qui lui étaient confiées, Edme Régnier commence à rassembler les armes anciennes issues des collections du Garde-Meuble de la Couronne et des cabinets privés de nobles ayant émigré. Après la dissolution des éphémères commissions exécutives, les objets contenus dans leurs dépôts et le personnel dédié migrent vers d’autres administrations. Ainsi, Régnier et la collection d’armes sont-ils transférés au Comité central de l’Artillerie où on le nomme « garde du dépôt des plans, modèles et archives de l’Artillerie ». Il devient par la suite le premier conservateur de ce dépôt transformé en musée de l’Artillerie, installé au couvent de Saint Thomas d’Aquin. Dépositaire du butin des guerres de la révolution et de l’Empire, cet établissement connait rapidement un accroissement considérable. Certaines de ses pièces les plus prestigieuses étaient même convoitées par le Louvre. Régnier est élevé au rang de chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur en octobre 1814.

À la suite de la défaite de Waterloo, les armées prussienne et anglaise occupent la capitale et se partagent la collection d’armes. Le musée de l’Artillerie est littéralement vidé de la cave au grenier et disparaît pour quelques années. Régnier prend sa retraite le 1er mars 1816, le ministre de la Guerre le gratifie alors d’une pension de 1800 Francs par an, en reconnaissance d’une vingtaine d’années de service. Les armées coalisées ayant également saisi l’ensemble des archives, on comprend mieux la rareté de cette lettre. Il s’agit de l’un des très rares écrits de la main Régnier encore conservé en France.
Après sa carrière de conservateur, le « chevalier Régnier » retourne à ses activités mécaniques. La lettre présentée ici montre qu’il développait entre autres choses son commerce de fauteuils roulants à l’usage des personnes âgées ou des blessés de guerre. Edme Régnier s’est éteint le 10 juin 1825. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Transcription

Lettre adressée à monsieur Valesque, secrétaire général de l’administration des hôpitaux civils de Lyon.

« Machines et invention du Chevalier Régnier, rue de l’Université no 4.
Paris le 21 mai 1821.

J’ai reçu l’honneur de votre lettre du 12 de ce mois qui m’a fait payer 60 F., valeur du fauteuil sortoir de mon invention que je vous ai adressé. J’ai transmis de suite vos justes observations à Madame veuve Bonjour sur les frais de transport ; elle a désapprouvé la conduite du voiturier et m’a remis les 3 F. excédent du prix réglé et pour vous les faire restituer.
J’envoye cy joint un petit bout de mandat sur MM. Novet frères et sœur quincailler rue de la Gerbe qui les remettront au porteur. Je désire bien monsieur que le nouveau meuble si simple mais cependant réclamé par l’humanité puis être utile à vos pauvre malades et s’il peut mériter l’approbation de Messieurs les administrateurs vous me ferez plaisir de ma la transmettre : il me serait infiniment agréable de l’obtenir.

J’ai l’honneur d’être avec les sentimens de la considération la plus distinguée, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
E. Régnier. Membre honoraire du comité consultatif des arts et manufactures.

P.S. : un vieillard âgé de 85 ans fait aujourd’hui l’éloge de ce nouveau fauteuil dans les promenades de son jardin. Pour cet usage nous y avons ajouté des roulettes en cuivre. On me dit que le Ministère de la Guerre veut en faire établir pour tous les hôpitaux militaires. »

En fond de page : portrait d'Edme Régnier par François-Joseph Heim, collection privée, reproduction interdite.

Retour aux archives…