Sur le chemin du gibet
La fontaine du Diable
Dernière halte des suppliciés
La fontaine du Diable
Masque de fontaine
Pierre calcaire
Travail français
xvie-xviie siècle
Coquemard
Terre cuite vernissée
xviie-xviiie siècle
Diverses monnaies et médailles
Argent, alliages cuivreux
xvie-xviiie siècle (?)
Archives de l'Antre-Cave
Inv. 1760.812-195
C’est entre le Louvre et les Tuileries que se trouvait l’énigmatique fontaine du Diable aujourd’hui disparue. Elle est mentionnée pour la première fois sur un plan de Paris dressé dans les années 1640, mais la date de son édification demeure inconnue, de même que l’origine de son nom. Plusieurs éléments concourent néanmoins à l’explication de cette appellation diabolique. Sa localisation, tout d’abord, n’est pas anodine. La fontaine était située au croisement de la rue de l’Échelle et de la rue Saint-Louis. La rue de l’Échelle tire son nom du gibet de l’évêque de Paris, installé autrefois sur le flanc sud de la butte Saint-Roch, à l’extérieur de l’enceinte de Charles V. On y pendait essentiellement les voleurs, les faussaires et les faux-monnayeurs. La fontaine se trouvait donc sur le chemin qu’empruntaient les condamnés à mort pour se rendre sur les lieux de leur supplice. Notons également que la plupart des auteurs rapportent qu’avant son raccordement à la pompe de Chaillot, à la fin du xviiie siècle, la fontaine était souvent tarie, méfait attribué aux sorcières et donc au pouvoir du diable. Enfin, le masque en pierre par lequel s’écoulait l’eau représente une tête cornue. Il s’agit certainement d’un faune mais, dans ce contexte particulier, il a probablement été très vite confondu avec le diable.
En 1759, la fontaine est entièrement restaurée et reconstruite (photo 2). On élève un nouvel édifice sculpté par Doré, composé d’une table sur laquelle, de part et d’autre d’un obélisque surmonté d’un globe, étaient assis deux tritons soutenant la proue d’un vaisseau. Sur la bouche de la fontaine, on installe un mascaron en bronze, en remplacement de l’ancien masque en pierre présenté ici, qui aurait été récupéré et préservé de la destruction par un fontainier présent sur le chantier. Cette sculpture peut être rapprochée des mascarons du Pont Neuf, ce qui permet de la dater entre la fin du xvie et la première moitié du xviie siècle. Elle représente un visage humain ridé, chevelu et barbu, deux cornes sortent du crâne et s’enroulent en volute de chaque côté du front.
Les archives de l’Antre-Cave font part d’une légende selon laquelle certains prisonniers qu’on menait au gibet, jetaient une pièce dans le bassin de la fontaine du Diable. C’était à la fois le prix payé à Charon pour le grand passage, et une offrande au Prince de ce monde dans l’espoir d’un traitement moins inhumain dans l’enfer qui les attendait. Si, au même moment, un mince filet d’eau s’échappait par la bouche de la fontaine, comme pour saluer le passage du supplicié, ce dernier se savait condamné à l’enfer. On interprétait ce signe comme la réponse du diable qui acceptait l’obole et annonçait un nouveau baptême sous de terribles auspices… Cette légende, particulièrement vivace, était bien ancrée dans l’imaginaire parisien. La procession du Saint-Sacrement de l’église Saint-Roch, mentionnée à la fin xviie siècle, tournait chaque année autour de la fontaine du Diable pour tenter de l’exorciser.
La fontaine du Diable a été détruite en 1854 à l'occasion des travaux haussmanniens qui redessinèrent la rue de l'Échelle.
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